mercredi 24 février 2016

Hors-la-loi au Texas



Depuis quelques semaines, les enfants ont trouvé une nouvelle occupation. Impraticable en été à cause de la chaleur étouffante, des troupeaux de moustiques et de la pollution, l’hiver s’avère être la meilleure saison pour s’initier au geocaching. Le principe est simple, il suffit de télécharger une application sur son téléphone qui va donner les coordonnées GPS d’un lieu dans lequel est cachée une boîte. Une sorte de chasse aux trésors en quelque sorte. Il y a quelques jours, la traque du trésor nous a mené dans un terrain vague, à cinq minutes de la maison. Il est recouvert d’arbres, de rocailles et surélevé par rapport à la route. 
Deux panneaux sont plantés à l’entrée de ce terrain. Ils nous informent que nous sommes  dans un cimetière.
Un cimetière qui ne comporte que deux tombes. Il s’agit du Riley Cemetery et son histoire reflète bien dans quel coin du monde nous vivons, le far west, le vrai. 
Je vais donc t’emmener sur les origines de la création de mon patelin. Tu pourrais me répondre que tu t’en fous un peu et que tu ne t’intéresses déjà pas aux origines de ton bled, c’est pas pour te pencher sur le mien. La différence, c’est que je ne vais pas t’expliquer pourquoi ton village qui date de 45 ap JC porte le nom d’un vieux saint qui s’est fait arraché les yeux, les doigts et le nez puis écartelé entre quatre chevaux lancés au galop. Non, tu oublies que je vis au Texas: comme dans un vieux western, mon histoire va être peuplée d’indiens, de cowboys et de voleurs de chevaux…

Fort Worth, «  where the West Begins » (FW, là où commence l’Ouest)

C’est vers 1840 que les premiers colons arrivent dans la région. Elle est stratégiquement située entre Fort Worth et Grapevine. Fort Worth est alors la ville la plus à l’ouest de la « Frontier ». La signature d’un accord entre les tribus indiennes et la République du Texas, le « Treaty of Bird’s Fort », assure la quasi sérénité des colons du coin. Il a été signé sur les terres de la ville d’à côté, qui se nomme aujourd’hui Euless, et quand tu vois à quoi ça ressemble, tu as du mal à imaginer des tipis dans le parking du mall. 
Ce traité instaure une ligne infranchissable entre les territoires indiens et les colons. Un général de l’armée, le général Worth, décide malgré ce traité et la paix relative avec les Mexicains de suggérer la construction d’un fort , une sorte de base avancée a un endroit stratégique, au bord de la Trinity River. Le pauvre homme n’a pas le temps de voir son projet achevé, qu’il est emporté par le choléra. Son successeur, pour lui rendre hommage donne son nom au fort qui devient Fort Worth. Elle est alors la ville la plus à l’Ouest de la Frontier, et gagne son surnom de « city where the West begins ».
Evidemment, si tu es comme moi avant mon arrivée ici, Fort Wort t’est inconnue. Juste pour info, sache que la  metroplex de Dallas-Fort Worth est la quatrième plus grande métropole des Etats Unis, et la plus grande du Sud des Etats Unis. On est désormais loin du fort au bord de l’eau.
Bedford, mon bled quant à lui, n’existe pas encore mais les premiers colons choisissent de s’établir dans le voisinage du Fort, pour plus de sécurité. Notamment la famille de Jonathan Riley, tout juste débarqué du Kentucky, qui a obtenu un lopin de terre dans un endroit sauvage qui n’a encore ni école, ni nom. En 1861, c’est au tour de Milton Moore, un colon de Caroline du Nord qui décide de créer la première école. Il reçoit une douzaine d’élèves dans sa « log cabin », sa maison en rondins, un peu à la Charles Ingalls…
Entretemps, la « Frontier » s’est déplacée vers l’Ouest, et le fort de Fort Worth est abandonné par l’armée. Les colons en profitent pour en prendre possession et commencent à fonder une ville: école, commerces, poste, la Southern Pacific Stage Line y a même établi une escale avant la grande traversée vers la Californie.

 Bedford, Texas nommée en l’honneur de Bedford, Tennessee.

Le coin se développe. Notre petite ville de Bedford commence à accueillir des groupes de colons du Tennessee vers 1870, qui nomment leur nouvelle ville du nom, je te le donne en mille, de celle qu’ils viennent de quitter! 
Weldon Bobo (on est passé près du pire malgré tout, ils auraient pu décider de la nommer Bobocity), tout juste arrivé du Tennessee, va ainsi devenir l’heureux  propriétaire du General Store, le receveur des postes mais aussi participer à la création de la première église de la ville. Les conditions requises à la naissance d’une nouvelle ville sont remplies:
Bedford est née.

Le folklore et les légendes peuvent maintenant agrémenter le quotidien de la ville. 
Comme l’Ouest en général, le Texas ne fait pas exception et attire toute sorte de repris de justice, opportunistes, voleurs et hors-la-loi. De Butch Cassidy à Jesse James en passant par Bonnie et Clyde, ils sont tous passés par le Texas. Le jeune John Goldsmith arrive avec ses parents et treize frères et soeurs  en 1870 à Bedford,  et choisit malheureusement de suivre la voie de ses illustres confrères. 
Après sa première arrestation, il est conduit dans la prison de Tarrant County. Il s’en échappe après avoir gravement blessé le gardien. Rattrapé et accusé d’avoir volé un cheval, il retourne en prison. C’est lors de sa deuxième tentative de fuite qu’il est mortellement atteint. Il a 22 ans.
On ne sait pas trop où enterrer le hors-la-loi. Finalement, sa soeur Sarah, épouse d’un fils Riley, accepte qu’il soit enterré sur les terres de son époux.
Aujourd’hui, il ne reste de sa tombe qu’un tas de pierres brisées situé à quelques pas de l'autre tombe du cimetière. La date qui figure sur la pierre tombale est 1899. Leurs descendants eux-mêmes doivent avoir oublié jusqu'à l'existence de ces tombes.

En faisant quelques recherches sur ce cimetière, j'ai eu la surprise de lire un article sur les fantômes de Bedford. Un vieil indien, une jeune femme morte en couches et des hors-la-loi revanchards roderaient à la nuit tombée dans certains quartiers. J'ouvre l'oeil.








3 commentaires:

  1. Réponses
    1. Merci Laurence. Te voir si productive et avec de si beaux articles est extremement motivant, je n'ai jamais publie si regulierement!

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  2. Super article, ça a l'air vraiment intéressant

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